Interview de Pierre Lecoeur, torréfacteur
En évoquant le petit mot de quatre lettres café, breuvage amer et moment de convivialité se confondent. Pierre Lecœur, enfant de l’un des beaux pays du café, l’Italie, est torréfacteur à Épinay-Sous-Sénart. Tous les jeudi midi, il sera présent au P’tit Marché du Val Solidaire pour nous régaler avec ses cafés authentiques moulus à Épinay !
Un mot sur ton enfance
Avec une maman italienne, nous allions très souvent en Italie durant mon enfance. Sa famille était établie dans une zone rurale du Nord-Est de l’Italie, pas très loin de la ville de Trieste, aussi surnommée “la capitale du café”. Des membres de la famille y tenaient un petit bar-restaurant. On s’y retrouvait tous les étés et pour les vacances. On en profitait aussi pour aider à la ferme.
Quelle était ta première rencontre avec le café ?
L’été en Italie, les femmes de ma famille rentraient à la maison en milieu de matinée et en milieu d’après-midi pour préparer le repas et le café. Elles apportaient aux hommes du café, pendant qu’ils ratissaient l’herbe. Enfant, cette forte odeur de café m’a beaucoup marqué.
Cela faisait partie du paysage. Dans la maison familiale dans laquelle j’ai grandi à Yerres, la première chose que l’on faisait quand quelqu’un venait, c’était préparer un café.
Quand as-tu commencé, t’es-tu formé ?
J’ai d’abord tenu un restaurant qui proposait des pizzas, à Brunoy, pendant 10 ans, dans lequel je travaillais avec Illy Café, une bonne marque de café. De fil en aiguille, ils m’ont proposé une formation de quelques jours à Paris. J’ai poursuivi avec une formation chez Malongo à Nice pendant une semaine, guidé par un ingénieur en agronomie. Cette deuxième formation m’a un peu découragé. Finalement, (l’industriel) fournit énormément d’efforts pour arriver à un produit dont l’objectif est d’être stable, d’avoir un goût standard : torréfier, tester, retester, retorréfier… C’est une prise de tête incroyable !
Moi aujourd’hui, j’explique aux clients que le goût du café peut évoluer au fil du temps en raison de la météo et d’autres facteurs. Ils le comprennent assez bien.
Quelles sont les différentes facettes de ton métier ?
Je torréfie le café dans les machines de mon atelier dans la zone d’activité à Épinay-sous-Sénart. Je fais quasiment tout (ndlr. En partant du sourcing de la matière première, en passant par la torréfaction, le marketing et la commercialisation des cafés). Mais j’ai la chance d’avoir un commercial qui s’occupe de démarcher nos clients. Notre zone de chalandise s’étend sur la région Ile-de-France. Nos produits sont proposés à la vente dans les hôtels, cafés, restaurants. Depuis peu, nous sommes aussi présents chez Cora à Boussy-Saint-Antoine.
Les freins que tu rencontres dans le cadre de ton activité ?
Nous souhaitons travailler avec les bars, cafés et restaurants. Les bars sont souvent déjà sous contrat avec des concurrents plus gros. Ceci est notre premier frein.
Le deuxième frein, c’est le goût. C’est à dire qu’il est assez difficile d’amener les consommateurs de café à apprécier de nouveau le vrai café de qualité. Le vrai café est très acide, très aromatique, mais ce ne sont pas des arômes d’amertume, de brûlé habituels.
Nous avons tous été très habitués aux standards gustatifs de l’industrie, à savoir des cafés particulièrement torréfiés, bruns, avec un goût de grillé, un goût amer. Avec une torréfaction au goût de brûlé, le consommateur n’est plus en mesure de sentir si le café utilisé est de qualité ou non.
Le vrai café acide, on apprend à l’aimer en y revenant.
Quel est le café que l’on devrait absolument découvrir au P’tit Marché du jeudi midi ?
Les cafés Éthiopiens sont excellents, incontournables. C’est probablement des forêts d’Éthiopie que vient la plante Arabica (ndlr. Le caféier d’Arabie est originaire d’Éthiopie et aujourd’hui notamment répandu dans les autres régions tropicales. Il produit le café arabica).
Quel est le secret pour préparer un bon café ?
Des grains de café de qualité, une bonne eau chauffée à la bonne température. Les eaux calcaires ne donnent pas toujours de bons résultats. Si on a du café très torréfié, il ne faut pas dépasser les 88 à 90°C. Pour les grains de café plus clairs, on peut aller jusqu’à 94, voire parfois 96°C.
Tu essaies d’adopter une démarche éthique et responsable. En quoi cela consiste ?
Je commence tout juste à mettre cela en place. Je travaille avec quelques gros importateurs, qui nous revendent des cafés sourcés de manière éco-responsable, achetés à des petites coopératives locales ou directement auprès des agriculteurs.
J’ai choisi de travailler avec l’un des plus gros exportateurs pour un café qui vient du Brésil. C’est un pays où il y a quand même un code du travail. L’exploitation ne fait pas travailler les enfants. La cueillette est mécanisée ce qui permet d’assurer une bonne rémunération au seul ouvrier engagé. Une machine se charge de trier les cerises de café, ce qui permet d’éviter à plusieurs hommes et femmes de rester 15 heures sous un soleil de plomb.
Le cacao que je propose chez Café du Commerce est transporté par voile. C’est un très beau projet, bien que ça coûte à peu près 20 fois plus cher aujourd’hui que de transporter du café à la voile.
Mini-portrait gourmet gourmand
Le café d’origine que tu préfères ?
Le café d’Éthiopie.
La douceur qui accompagne le mieux un café ?
Le tiramisu.
La bonne préparation pour un bon café ?
Le café préparé avec une cafetière à piston, une eau qui est entre 90 et 96 degrés. Et un café de grosse mouture, encore un peu texturé.
Pierre Lecoeur et ses cafés sont à retrouver sur le P’tit Marché du jeudi midi au Val Solidaire.
Propos recueillis par Anifa Mchangama